« Oui, le temps est une singulière énigme ; comment la tirer au clair ? »

Cette phrase de « la montagne magique » (Thomas Mann) pourrait être le préambule à la présentation de mes tableaux.
En effet si les distorsions géographiques et formelles sont importantes dans mes peintures c’est avant tout sur le terrain de la temporalité que les vas et viens sont les plus significatifs.
Ces mélanges peuvent s’apparenter aux divagations de l’esprit face au paysage mais ils peuvent aussi symboliser la cohabitation de diverses donnés temporelles en un même lieu.
Dans le tableau : « Banlieue scarabée » nous ne savons pas si cette « vue » (dans le sens des peintures du XVIIIème ) est un paysage prochainement colonisé par la banlieue ou si inversement la banlieue ce fait dévorer par la végétation.
Les personnages sont historiquement décalés ou sont- ils simplement intégrés dans une énergie plus large qui crée elle-même le paysage.
Les promenades de Jean Jacques Rousseau réserveraient de belles surprises au promeneur
D’aujourd’hui même si l’esprit du penseur est définitivement constitutif des lieux qu’il a foulé.
C’est la rencontre de ces deux frontières physique et immatériel qui est présente dans ce tableau.
La conception de mes tableaux part d’éléments composés de tel façon que les parties constitutives soient reliées entre elles non plus par la notion de réalisme mais par le ciment de la peinture.
Le glissement s’opère aussi par la réalisation du tableau lui-même, qui possède une vie propre en dehors de toute prévision.
Le dérapage factuel du tableau par rapport à l’idée de départ constitue pour moi la nature mystérieuse de la peinture.

Abel Pradalié